« Les partis transnationaux sont l’engrais d’une politique véritablement européenne »

LE MONDE – La nature et l’ampleur des enjeux auxquels l’Europe est confrontée appellent des solutions paneuropéennes que notre système politique communautaire fragmenté est incapable d’aborder et de mettre en place, estime Alberto Alemanno, professeur de droit à HEC, dans une tribune au « Monde ».

La nature et l’ampleur des enjeux auxquels l’Europe est confrontée appellent des solutions paneuropéennes que notre système politique communautaire fragmenté est incapable d’aborder et de mettre en place, estime Alberto Alemanno, professeur de droit à HEC, dans une tribune au « Monde ».

« Après plus de 60 ans d’existence, l’Union manque de partis politiques capables de promouvoir un véritable espace transnational de débat politique et de dialogue » (Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, le 24 juin à Bruxelles). Yves Herman / AP
« Après plus de 60 ans d’existence, l’Union manque de partis politiques capables de promouvoir un véritable espace transnational de débat politique et de dialogue » (Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, le 24 juin à Bruxelles).
Yves Herman / AP

A moins d’un an des élections européennes, la dimension politique de l’Union européenne est en train de dévoiler ses limites. Le dernier sommet européen en apporte la confirmation [Conseil européen des 28-29 juin]. Bien que l’intégration européenne influence de plus en plus la vie des citoyens, le système politique européen, et en particulier sa capacité de représentation politique, n’a toujours pas rattrapé son retard.

Même s’ils votent directement pour leurs représentants au Parlement européen depuis 1979, les citoyens de l’Union européenne le font à des dates différentes, selon différentes lois électorales, et pour soutenir des candidats sélectionnés par des partis nationaux sur la base de programmes nationaux. Si les partis politiques paneuropéens ont bien reçu une reconnaissance institutionnelle et des ressources financières au fil du temps, ils sont toujours constitués de fédérations extra-parlementaires des partis nationaux.

En conséquence, après plus de soixante ans d’existence, l’Union européenne manque de partis politiques capables de promouvoir un véritable espace transnational de débat politique et de dialogue, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des institutions. Malgré l’interdépendance croissante des Etats en matière de politiques publiques – allant des politiques économiques et environnementales aux règlements de protection des données –, les citoyens semblent condamnés à être exposés exclusivement à des débats nationaux sur la direction que l’Union européenne doit prendre.

Tentatives pour européaniser le jeu électoral

Cette compétition nationale s’illustre d’ailleurs dans le traitement médiatique de l’Union européenne : en regardant l’Europe à travers le prisme de l’Etat-nation, les journalistes comme les hommes politiques n’envisagent les politiques européennes que sous l’angle des avantages et des inconvénients pour chaque pays membre. L’éternel absent ? L’intérêt supérieur de l’Union européenne et, à travers ce dernier, celui de tous les citoyens européens. Concrètement, ce paradigme empêche l’émergence d’une opinion publique paneuropéenne, qui serait pourtant la clé d’un espace politique européen efficace et pertinent.

Le positionnement des mouvements transnationaux va inciter les partis politiques à débattre des idées au niveau européen, pour obtenir des votes et des sièges à l’échelle paneuropéenne

En l’absence de cet espace, les citoyens finissent par croire que la plupart des défis peuvent et doivent être résolus localement. Pourtant, la nature et l’ampleur des enjeux auxquels l’Europe est confrontée – comme l’a récemment illustré le débat sur l’Aquarius – appellent des solutions paneuropéennes que notre système politique communautaire fragmenté est fondamentalement incapable d’aborder et de mettre en place.

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