Coronavirus : « Si vous pensez que l’Union n’en fait pas assez, tournez-vous plutôt vers les capitales européennes »

LE MONDE – Le professeur de droit Alberto Alemanno s’inquiète, dans une tribune au « Monde », des solutions nationales qui pourraient se révéler plus néfastes que bénéfiques, en offrant une illusion de sécurité et de sûreté à leurs ressortissants.

Le professeur de droit Alberto Alemanno s’inquiète, dans une tribune au « Monde », des solutions nationales qui pourraient se révéler plus néfastes que bénéfiques, en offrant une illusion de sécurité et de sûreté à leurs ressortissants.

En tant qu’Italien vivant en Espagne et travaillant en France, je plonge tout doucement dans un nouveau mode de vie de confinement strict, ponctué par une scolarité à domicile et des visites de rayons vides de supermarchés.

Je ne peux pas m’empêcher de remarquer qu’aujourd’hui les Allemands et les Néerlandais circulent librement dans leurs villes, alors que les Italiens et les Espagnols sont confinés chez eux. Les enfants britanniques continuent à aller à l’école, alors que la plupart de leurs camarades européens n’y vont plus. Les magasins sont ouverts en Suède, mais fermés ailleurs.

Quel sens donner à ces réalités divergentes, quand nous – citoyens européens – sommes tous concernés par le virus ? Pourquoi devrions-nous tolérer que les citoyens et les pays européens contribuent différemment à l’achèvement d’un objectif partagé, à savoir, endiguer cette maladie dans une Europe sans frontière ?

Bruxelles désemparée

Au moment où les autorités de l’Union européenne (UE) peinent à assurer une quelconque coordination, et doivent adopter des mesures fiscales et relatives aux aides d’Etat en soutien à l’économie européenne, l’Allemagne ferme ses frontières ! Quand un nombre record de citoyens, y compris les plus eurosceptiques, se tournent vers l’Union européenne en recherche de solutions d’urgence, Bruxelles apparaît désemparée.

Mais envers qui devons-nous nous plaindre de cette situation ? Si la tentation est d’accuser le projet européen en lui-même, cela serait une erreur. Malgré des attentes croissantes envers elle, l’Union européenne seule ne peut pas faire grand-chose face à une urgence sanitaire.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  « La crise sanitaire que nous traversons est un révélateur de ce à quoi mène l’absence de coordination et de solidarité »

L’UE ne peut pas fermer les écoles, suspendre les matchs de football ou boucler des villes. Elle ne peut même pas décider de fermer des frontières pour limiter la propagation du virus. Seuls ses pays membres peuvent faire cela. C’est d’ailleurs ce qu’ils viennent de faire, de manière tout à fait inédite, pour ce qui est de la fermeture des frontières extérieures de l’espace Schengen, et ce pour une durée de trente jours.

Ce que peut en revanche faire l’UE, c’est juguler l’impact socio-économique de la pandémie. C’est ce qu’elle vient aussi de faire en offrant à ses pays une certaine flexibilité en termes de rigueur budgétaire, et en créant un fonds de 25 milliards d’euros d’investissement pour contrer le Covid-19 sur le continent.

Restriction de la liberté individuelle

Dès lors, si vous pensez que l’Union n’en fait pas assez, tournez-vous plutôt vers les capitales européennes et les mandataires politiques nationaux, qui prétendent ne pas savoir que notre interconnectivité sociale, économique et politique requiert des réponses coordonnées au niveau européen. Malgré les limites inhérentes de l’Union européenne, les ministres de la santé des Vingt-Sept pourraient – sur une base volontaire – décider de mettre en commun leurs compétences souveraines pour répondre à l’urgence. Ils pourraient commencer à coordonner leur réponse sanitaire, en adoptant une ligne commune quant aux tests, au confinement, à la quarantaine et à la distanciation sociale.


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