Numérique: une intense campagne de lobbying à Bruxelles
LE FIGARO – Face au Digital Services Act et au Digital Markets Act, la mobilisation des lobbyistes du secteur était prévisible et attendue. Mais certaines méthodes ont choqué.
Face au Digital Services Act et au Digital Markets Act, la mobilisation des lobbyistes du secteur était prévisible et attendue. Mais certaines méthodes ont choqué.
Pour certaines entreprises, ces deux projets de règlement sont un véritable tremblement de terre. Sans surprise, pour espérer en atténuer les effets, elles ont eu recours à une pratique devenue habituelle: le lobbying. Malgré sa mauvaise réputation, peu nombreux sont ceux qui, à Bruxelles, en critiquent l’existence. «Il est normal, et sain, que chacun puisse exprimer et défendre ses intérêts», souligne un habitué des procédures européennes. Sur un dossier aussi important, la mobilisation était prévisible et attendue. Ce qui choque, ce sont les méthodes de certains.
Google s’est ainsi retrouvé au cœur du scandale, après qu’un document interne a filtré dans la presse. Outre des actions classiques, le géant y décrit d’autres méthodes, comme s’attaquer directement à la crédibilité de Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, ou semer le conflit entre les différentes unités de l’exécutif. On y retrouve aussi l’intention de convaincre les utilisateurs que le DSA est synonyme de réduction de la qualité des services. Des méthodes «d’un autre siècle», regrette Thierry Breton, et desquelles d’autres acteurs, comme Booking, ont tenu à se dissocier publiquement.
Effet inattendu du Covid
Depuis le début, Thierry Breton, comme la vice-présidente de la Commission, Margrethe Vestager, ont tenté de court-circuiter les lobbyistes et autres intermédiaires. La priorité est donnée aux relations directes avec les patrons et les représentants d’associations ou régulateurs européens. Mais la véritable pression se fait surtout sentir aux niveaux inférieurs, précise un membre de la Commission. Là, les occasions ont été plus limitées en ces temps de Covid-19. Impossible ou très compliqué, d’interagir avec les fonctionnaires lors de tables rondes ou événements, tous organisés en virtuel. Impossible aussi de les inviter à un café ou un dîner. Pour ceux qui ne disposent pas d’une ligne directe, les différentes consultations publiques lancées par la Commission ont été les seules occasions de défendre leurs propositions.
La balle est maintenant du côté des États membres et du Parlement européen. Chacun doit fixer sa position avant de lancer les négociations qui mèneront à une version finale des règlements, différente de la proposition de la Commission. C’est désormais vers eux que les différents lobbyistes vont tourner leur attention.
Au vu des intérêts financiers des géants du numérique, nul doute que «la défense de leurs intérêts sera intense», prévoit Geoffroy Didier, eurodéputé LR. Favorable à des règles encore plus contraignantes, il n’est pourtant pas une cible privilégiée. Selon lui, ce sont plutôt les eurodéputés les moins impliqués dans le dossier, et donc les moins informés, qui sont plus susceptibles d’être influencés. Spécialement par les campagnes de désinformation. C’est surtout sur le DMA que les jeux d’influence devraient se diriger.