Faudra-t-il un passeport vaccinal pour pouvoir voyager en Europe cet été ?
LE PARISIEN – La Commission européenne va proposer un dispositif permettant de justifier si l’on a été vacciné ou si l’on dispose d’un test négatif afin de se déplacer plus librement d’un pays à un autre. Mais le chemin est encore long avant une éventuelle mise en place.
La Commission européenne va proposer un dispositif permettant de justifier si l’on a été vacciné ou si l’on dispose d’un test négatif afin de se déplacer plus librement d’un pays à un autre. Mais le chemin est encore long avant une éventuelle mise en place.
Faudra-t-il, pour partir quelques jours en Italie ou en Espagne cet été, avoir été vacciné contre le Covid-19 ou avoir été testé négatif ? Telle est l’idée du « passeport numérique vert » européen, qui sera mis sur la table en mars. Son but ? « Permettre progressivement de se déplacer en toute sécurité dans l’Union européenne ou à l’étranger – pour le travail ou le tourisme », a indiqué lundi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Ce dispositif ne doit pas être confondu avec le « passe sanitaire » français, qu’Emmanuel Macron a évoqué jeudi 25 février et qui permettrait de faciliter la réouverture de certaines activités à l’arrêt en France. Voici, à cette date, ce qu’on sait du projet européen et des nombreuses questions qu’il pose.
Que propose la Commission européenne ?
Ursula von der Leyen, a annoncé qu’elle allait soumettre une proposition législative visant à « faciliter la vie des Européens ». Si une personne est vaccinée, qu’elle dispose d’un test négatif, ou qu’elle possède des anticorps résultant d’une infection passée, elle pourrait ainsi être autorisée à circuler plus librement d’un pays à l’autre. « Il faut prendre en compte la vaccination mais aussi d’autres éléments [prouvant que l’on n’est pas malade] afin d’éviter les discriminations », explique-t-on à la Commission européenne.
We'll present this month a legislative proposal for a Digital Green Pass. The aim is to provide:
— Ursula von der Leyen (@vonderleyen) March 1, 2021
•Proof that a person has been vaccinated
•Results of tests for those who couldn’t get a vaccine yet
•Info on COVID19 recovery
It will respect data protection, security & privacy
Cette proposition sera soumise au Parlement européen, qui pourra modifier le texte puis le votera. En parallèle, le Conseil européen réunissant les 27 chefs d’Etat et de gouvernement se penchera aussi dessus. Le mécanisme juridique sur lequel reposera cette proposition législative n’est pas encore totalement défini. On ne sait pas non plus si la majorité qualifiée des 27 Etats membres suffira à l’adoption du texte, même si une source juge qu’il s’agit de la piste « la plus probable ».
Concrètement, comment cela pourrait-il marcher ?
Nos différents interlocuteurs s’accordent à dire qu’il est trop tôt pour définir précisément comment ce dispositif pourrait fonctionner. « L’idée pour l’instant est d’y travailler, ça se décantera petit à petit en échangeant », indique la députée européenne Fabienne Keller (Renew Europe). On pourrait justifier que l’on a été vacciné ou testé négatif via une application sur son smartphone, notamment. Mais pas seulement car « il faudra aussi éviter une autre discrimination, entre ceux qui sont à l’aise avec ce genre d’appareil et les autres », juge-t-on au sein de la Commission européenne. Ursula von der Leyen a par ailleurs déjà indiqué que le dispositif garantira « la protection, la sécurité et la confidentialité des données ». « Sur la question technique du développement de l’infrastructure, on se donne un timing d’au moins trois mois », indique une source en interne. Ce qui renvoie, a minima, au début de l’été.
Pourquoi cela fait-il débat ?
Un tel dispositif ne serait pas anodin, pointe le politologue Patrick Martin-Genier. « Ce sera une entrave à la liberté de circulation pour les personnes qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas se faire vacciner et n’ont pas de test. Jusque-là, c’était les Etats qui le faisaient. Là, ce serait la Commission elle-même alors que c’est contraire aux textes européens de mettre en place des exceptions pour des raisons sanitaires », juge ce spécialiste des enjeux européens. « Il ne s’agit pas de restreindre » la circulation, s’est défendu un porte-parole de la Commission européenne, lundi.
Par ailleurs, l’accès à la vaccination est encore très limité et il n’est pas le même dans tous les pays. Le taux de population ayant déjà reçu au moins une dose de vaccin varie de moins de 4 % en Croatie à près de 12 % à Malte, d’après les données compilées par le site OurWorldInData. Aucun pays ne devrait parvenir à vacciner tous ses habitants volontaires d’ici au mois de juin. Et toutes les catégories n’ont pas été logées à la même enseigne. Les moins de 50 ans, potentiellement ceux qui ont le plus soif de voyager entre amis pendant les vacances, devraient souvent arriver en dernier. Et donc avoir beaucoup moins de chances d’être vaccinés d’ici au mois de juin ou de juillet.
Le vaccin pose aussi le problème qu’on ne sait pas avec certitude, pour l’heure, s’il limite autant les infections que les formes graves de la maladie. Et quand bien un test négatif pourrait suffire, « le prix et la durée de validité des tests varient fortement d’un pays à l’autre », rappelle Alberto Alemanno, professeur de droit européen à HEC Paris.
Le passeport vaccinal est une très mauvaise réponse à une très bonne question et j’ai un peu l’impression que ce serait plus un gadget qu’autre chose. Il vaut mieux faciliter la coordination entre les pays pour fixer des règles même si cela présuppose une bonne volonté politique.
Alberto Alemanno, professeur de droit européen à HEC Paris
Qu’en pensent la France et les autres pays européens ?
C’est peu dire que les 27 Etats européens ne sont pas tous allants à cette idée. « Pour la Belgique, il n’est pas question de lier la vaccination à la liberté de circulation à travers l’Europe », a fustigé lundi la vice-première ministre belge Sophie Wilmès. « À l’avenir, il sera certainement bon d’avoir un tel certificat, mais cela ne signifie pas que seuls ceux qui en ont un pourront voyager », a souligné de son côté la semaine dernière la chancelière allemande Angela Merkel, sur une même ligne prudente que la France. Ces pays s’inquiètent notamment d’un risque de discrimination, d’atteinte aux libertés individuelles, et d’un manque de pertinence si le vaccin ne protège pas totalement des contaminations. « On pense que c’est prématuré » de l’imaginer, a résumé le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Clément Beaune, dans Midi Libre le 18 février.
D’autres pays ont déjà clairement affiché leur soutien. C’est notamment le cas de ceux qui dépendent beaucoup du tourisme, comme l’Espagne, la Grèce, ou l’Autriche. Un passeport numérique européen « offre la possibilité de retrouver la liberté de voyager et les anciennes libertés à travers l’Europe », s’est réjoui dès lundi le chancelier autrichien, Sebastian Kurz.
Der digitale grüne Pass für Geimpfte, Getestete und Genesene ist die Chance, europaweit die Reisefreiheit zurückzuerlangen sowie alte Freiheiten. Der grüne Pass ist die Basis dafür. Danke an EU-Kommissionspräsidentin @vonderleyen für den Einsatz!
— Sebastian Kurz (@sebastiankurz) March 1, 2021