« Facebook a empêché les partis et la société civile de mener des campagnes transfrontières »

LE MONDE – Le professeur de droit Alberto Alemanno dénonce, dans une tribune au « Monde », le rôle néfaste joué par le réseau social lors de la campagne électorale européenne en limitant les messages politiques aux frontières nationales.

Le professeur de droit Alberto Alemanno dénonce, dans une tribune au « Monde », le rôle néfaste joué par le réseau social lors de la campagne électorale européenne en limitant les messages politiques aux frontières nationales.

« L’avenir de l’Europe comme celui de Facebook n’ont jamais été aussi interdépendants. Aujourd’hui, cette étreinte est mortelle : il semble qu’un seul des deux puisse en sortir vivant. » Joel Saget/AFP Creative / Photononstop
« L’avenir de l’Europe comme celui de Facebook n’ont jamais été aussi interdépendants. Aujourd’hui, cette étreinte est mortelle : il semble qu’un seul des deux puisse en sortir vivant. » Joel Saget/AFP Creative / Photononstop

Au lendemain des élections européennes des 25 et 26 mai, on découvre que Facebook continue de faire tout ce qui lui plaît sur le continent, et ce en dépit des discours politiques sur la « mise au pas » des géants technologiques de la Silicon Valley. Lors de la campagne, les électeurs ont été assaillis par la désinformation sur Facebook et sur d’autres vecteurs de l’empire du géant des médias, comme Instagram et WhatsApp.

Dans son rapport « Far Right Networks of Deception » publié le 22 mai, le mouvement citoyen mondial Avaaz constate que Facebook a encore permis aux groupes d’extrême droite et anti-européens de diffuser des informations fausses ou délibérément trompeuses sur la plate-forme. Des fact-checkers indépendants ont examiné des milliers de pages publiques, de groupes et de sites web identifiés comme diffusant de la désinformation, du contenu haineux ou incitant à la violence, révélant ainsi l’utilisation systématique de faux comptes.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Comment Emmanuel Macron veut « responsabiliser » les réseaux sociaux

En Allemagne, de faux comptes ont amplifié le message du parti d’extrême droite, Alternative für Deutschland (AfD), alors qu’en France ils ont diffusé des contenus défendant la suprématie de la race blanche. Des dizaines de pages créées en Italie ont attiré des utilisateurs des réseaux sociaux avec des questions générales, avant de se transformer en pages affichant des fakes news ou des messages de soutien au parti d’extrême droite Lega, ou au Mouvement antisystème 5 étoiles.

Les pages Facebook de 5, 9 millions d’abonnés supprimées

Après avoir mené sa propre enquête indépendante, Facebook a supprimé un nombre sans précédent de pages et de groupes signalés par Avaaz à la veille des élections européennes. Au total, les pages concernées avaient 5,9 millions d’abonnés, soit près de trois fois plus que les pages les plus consultées des principaux partis européens d’extrême droite et anti-européens. Le Rassemblement national français, la Lega italienne, l’AfD allemande, Vox en Espagne, le Brexit Party britannique, et le parti polonais Droit et Justice rassemblent en effet 2 millions de partisans en ligne.

Il faut saluer cette réponse de Facebook, mais elle est arrivée trop tard. Des millions d’Européens ont été exposés à des contenus malveillants, des mensonges et de la haine. L’importance de la désinformation dans le débat préélectoral – qui dans de nombreux endroits a noyé les messages des partis traditionnels – a été aggravée par de nouvelles règles de publicité politique que Facebook a dû mettre en place après les révélations des problèmes survenus avant le référendum de 2016 sur le Brexit.


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