Qatargate : « L’insouciance éthique du Parlement européen a encouragé une culture de l’impunité »

LE MONDE – Le scandale de la « corruption » par le Qatar a exposé une vérité gênante : l’argent achète l’influence dans l’UE.

Le Parlement européen est « le maillon faible du système d’intégrité de l’Union européenne », estime le professeur d’HEC, Alberto Alemanno, qui propose, dans une tribune au « Monde », quatre pistes pour une refonte majeure du système d’éthique et de lobbying de l’Union.

Parlement Européen par KENZO TRIBOUILLARD | Crédits photo : AFP

Quelle que soit son issue, le scandale de la « corruption » par le Qatar a exposé une vérité gênante, et déjà évidente pour la plupart des Européens : l’argent achète l’influence dans l’Union européenne (UE). Le présent scandale, dans lequel une députée européenne en fonction et un ancien député européen seraient accusés par la police belge d’avoir participé à des activités d’influence pour le compte du Qatar, n’est que le dernier d’une série d’incidents qui éclaboussent la capitale de l’UE.

Des cas de « portes tournantes » (revolving doors) ont sali d’anciens membres des institutions européennes avant le Qatargate. Ce fut notamment le cas de l’ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso, qui a rejoint la banque Goldman Sachs ; de l’ancienne commissaire Neelie Kroes, recrutée par Bank of America ; de députés européens comme Sharon Bowles, qui a rejoint le London Stock Exchange, et Holger Krahmer, parti chez Opel, ou d’autres fonctionnaires européens. Bien qu’aucun de ces épisodes ne se rapproche des allégations formulées aujourd’hui, ils ont, en leur temps, démontré l’incapacité du système actuel de surveillance éthique de l’UE à réduire les risques d’abus.

Les dernières révélations démontrent un autre fait troublant : le Parlement européen est le maillon faible du système d’intégrité de l’UE, du fait d’une application déficiente de règles déjà laxistes. Les membres du Parlement sont autorisés à avoir des emplois secondaires (un quart des 705 députés européens déclarent le faire), et ils ne sont responsables de leur conduite que devant leurs pairs. Etant donné la proportion d’eurodéputés qui profitent de cette complaisance, il n’est pas surprenant que même les rares enquêtes n’aboutissent à rien et laissent les manquements éthiques impunis. Par ailleurs, les eurodéputés ne sont pas tenus de déclarer toutes leurs réunions.

Effort de réforme

Les protections existantes pour les assistants parlementaires qui agiraient comme lanceurs d’alerte ne fonctionnent pas dans la pratique, car leur emploi dépend de la relation de confiance avec leur député européen.

L’insouciance éthique du Parlement européen a encouragé une culture de l’impunité qui ne nuit pas seulement à la confiance des citoyens de l’UE dans les institutions démocratiques, mais aussi aux intérêts de l’Union, car elle entraîne des comportements contraires à ses valeurs déclarées, dans une période de réalignement géopolitique sans précédent.

C’est pourquoi le Parlement européen doit transformer ce scandale d’intégrité en un véritable effort de réforme. Plutôt que de se limiter une fois de plus à fustiger le parti politique directement impliqué dans le scandale actuel, les dirigeants politiques de l’UE doivent immédiatement annoncer une refonte majeure du système d’éthique et de lobbying de l’Union.


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